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J’ai souvent cité ici la phrase de Percy Boomer : « un golf régulier dépend de notre capacité à interdire l’accès de notre machinerie mentale à la part de nous-même qui joue les coups de golf ». Ce que Boomer affirmait sur sa seule observation est aujourd’hui confirmé par la science.
Aujourd’hui les neurosciences, en utilisant des techniques novatrices, sont lancées à toute vapeur dans l’exploration du cerveau humain. Les découvertes se succèdent et nous avançons à petits pas certes, mais sûrement dans la compréhension de cet organe qui reste mystérieux.
Le stress au centre de nos réactions
Dans un livre intitulé « L’intelligence du stress » paru au Éditions Eyrolles en 2008, le Docteur Jacques Fradin (Institut de médecine environnementale, membre de l’Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive) analyse le stress et en démonte les mécanismes.
En gros il distingue deux types de stress qui tous déclenchent une sécrétion d’adrénaline :
– le stress externe causé par un évènement extérieur qui pourrait attenter à notre intégrité physique. Ce type de stress a pour fonction de déclencher une réaction de sauvegarde par la fuite, le combat ou l’inhibition (la soumission).
– le stress interne dont l’origine se situe en nous et dont nous ignorons généralement la cause mais qui peut nous conduire à la dépression et au suicide.
Conflits internes et mauvaise communication
Les travaux des neuro-scientifiques sont éclairants dans la mesure où ils mettent en évidence la manière dont ces stress se développent dans nos quatre cerveaux décisionnels (voir encadré ci-dessous) :
La théorie des quatre cerveaux
Ce découpage du cerveau propre au docteur Fradin est un outil. Il existe bien d’autres zonages dont le but reste d’établir des liens entre anatomie et fonctionnalité .
Pour sa démonstration le Docteur Fradin propose un découpage du cerveau en quatre parties
– le néocortex préfrontal : situé derrière le front, c’est la partie la plus récente de notre cerveau, apparue tard dans l’évolution, c’est le sommet de l’intelligence humaine.
– les territoires reptiliens : la partie la plus primitive de notre cerveau, celle qui a pour mission depuis toujours d’assurer notre sécurité.
– le cortex automatique : qui regroupe le vieux cortex néo-lymbique situé juste au dessus de la partie la plus primitive de notre encéphale et le néocortex sensori-moteur situé à l’arrière du crâne. Ce cortex automatique gère le quotidien, le connu, nos gestes sportifs…
– les territoires paléo-limbiques, apparus tôt dans l’évolution. Ils coiffent les territoires reptiliens. Ils gèrent nos rapports de force.
Selon Jacques Fradin et son équipe tous nos problèmes de stress interne viendraient de notre cerveau intelligent, le néocortex préfrontal. Selon leur hypothèse il n’aurait pas terminé son évolution et connaîtrait pour l’instant quelques difficultés à communiquer avec nos trois autres cerveaux.
Par exemple si notre cerveau intelligent est en désaccord avec le cerveau reptilien, il envoie, de manière inconsciente pour le propriétaire du cerveau, un message de stress pour signifier son désaccord.
Autre exemple, le cortex automatique a lui pour habitude de passer la main au préfrontal quand il se trouve dans une situation qu’il ne maîtrise pas, qu’elle soit nouvelle ou compliquée. Il a besoin d’intelligence pour mener à bien sa tache.
Hélas le cortex automatique rechigne un peu à faire appel à l’intelligence car la réflexion ne fait pas vraiment partie de ses valeurs. Dans certaines circonstances le cortex automatique va aller jusqu’à refouler l’intelligence.
Or, quand il y a conflit entre intelligence et automatisme, le cerveau reptilien perçoit le malaise, l’interprète comme un danger et met en route un processus de stress, de « sauve qui peut » pas toujours très approprié aux circonstances ! C’est un peu ce qui se passe quand nous sommes face à un obstacle d’eau !
Le stress, le golfeur, le practice et le parcours
Ces considérations venues des neurosciences nous permettent de mieux comprendre le rôle de l’entraînement et du practice en particulier.
Au practice laissons dialoguer notre cerveau automatique avec notre néocortex, permettons lui d’acquérir les gestes qui se dérouleront ensuite automatiquement sur le parcours, sans faire appel à notre intelligence. Seule la répétition peut parvenir à créer cet automatisme.
Le parcours n’est plus le lieu du dialogue entre cerveau intelligent et cerveau automatique. Les laisser discuter sur les départs, les fairways ou les greens pourrait être source de conflits internes que nous ne saurions maîtriser qu’à grand peine à ce moment précis. Il faut répéter ses gammes avant de monter en scène !
Mais il faut aller sur le parcours. Au practice on ne joue pas au golf, on apprend ou on répète ses coups.
Le stress ami ou ennemi ?
Comment lutter contre le stress ? Jacques Fradin cite les moines bouddhistes. Il parle d’une expérience où des Lamas Tibétains en méditation auraient maîtrisé un réflexe de sursaut provoqué par un coup de feu par la seule force de leur concentration.
Un exemple extrême de maîtrise du cerveau reptilien le plus primitif par le néocortex préfrontal. Tout n’est donc pas perdu pour voir un jour la partie intelligente de notre cerveau contrôler tout le reste !
Pour Fradin, « Le stress, état d’urgence de l’instinct… et de l’instant, peut mettre en danger notre santé lorsqu’il fonctionne trop souvent et trop intensément. »
Si le stress de sauvegarde est court (quelques minutes) et relativement rare, il peut s’avérer utile. Par contre, nous générons notre propre stress interne qui lui est pathogène, jusqu’au burn-out.
Mais ne cédons pas aux sirènes des compléments alimentaires sensés lutter contre le stress dont la publicité nous promet les bienfaits.
Pratiquons la méditation, la marche en pleine conscience, jouons dans le présent, entraînons nous régulièrement au practice…
Et n’oublions pas que le stress reste aussi un indicateur qui peut être précieux pour nous signaler l’existence d’un conflit qui se déroule en nous. Ce signal peut nous pousser à consulter dans les pires des cas.
Enfin ! Les économistes ont calculé que le stress au travail est responsable de 50% des arrêts pour maladie. En France la perte engendrée directement par le stress équivaut à 5 points de PIB (Produit Intérieur Brut) et globalement (directement et indirectement) à plus de 10 points.
À 20 milliards d’euros le point de PIB il est facile de faire le calcul !
Ici un article de Jacques Fradin paru sur le site de Futura Santé, dont mon article s’inspire librement.
Ci-dessous une vidéo où Jacques Fradin nous parle de la gestion du stress.
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