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Golfeuses et golfeurs n’aiment pas le bruit. À l’adresse, face à la balle le moindre chant d’oiseau, la moindre voix suffisent à briser la concentration d’une routine.
D’ailleurs l’étiquette nous recommande de ne faire aucun bruit, de ne pas parler, de ne pas nous déplacer, et de ne pas stationner à un endroit gênant pour celui qui s’apprête à exécuter son swing ou à putter.
Mais d’où viennent ces sortes de phobies souvent à l’origine d’échanges peu amènes sur les tees de départ ou les greens ?
Notre cerveau veille sur nous
L’une des toutes premières fonctions de notre cerveau est de veiller à la bonne conservation de notre intégrité physique. Il nous protège du danger. Parfois d’une manière consciente, par exemple en nous retenant de sauter dans le vide pour un saut à l’élastique, le plus souvent de manière inconsciente. C’est ce mode hors conscience qui nous intéresse lorsqu’un bruit nous dérange quand nous jouons au golf.
Il faut abandonner la vision qui a longtemps primé d’un cerveau qui serait constitué de trois cerveaux, formés successivement au cours de l’évolution, et empilés les uns sur les autres. Cette théorie dite du cerveau triunique développée dans les années 1950-1960 par le neurobiologiste américain Paul MacLean est aujourd’hui obsolète. On ne peut donc plus parler de cerveau reptilien, de cerveau limbique et de néocortex, et d’associer à chacun des fonctions précises.
Un cerveau et des systèmes composés
Par exemple il est impropre de dire que notre cerveau reptilien, considéré dans la théorie du cerveau triunique comme le plus ancien sur l’échelle de l’évolution, serait chargé de veiller sur nous depuis la nuit des temps.
Aujourd’hui les neurosciences n’associent plus une région du cerveau à une fonction. Il n’existe pas de centre unique des émotions, de la raison, de la motricité, de la vision ou du langage. Il existe des « systèmes composés » de plusieurs petites unités cérébrales reliées. Ces unités, qui peuvent être situées dans les deux hémisphères cérébraux à des endroits très divers, travaillent ensemble, chacune fournissant sa contribution au système.
Le circuit de la peur nous protège
Notre horreur du bruit ou de tout ce qui peut nous déranger quand nous sommes concentrés sur notre jeu de golf vient du fait que ces éléments mettent en fonctionnement l’un de ces systèmes : le circuit de la peur.
La peur est une émotion liée à la notion de danger. Nos sens déclenchent cette émotion. Elle est indispensable à notre survie.
Les neuf sens de l’homme
L’homme dispose de bien plus de cinq sens. À notre vue, notre ouïe, notre odorat, notre goûtet notre toucher il faut ajouter :
– la thermoception ou perception des températures,
– la nociception qui nous fait percevoir la douleur,
– l’équilibroception ou sens de l’équilibre et enfin
– la proprioception ou perception de soi qui nous permet de localiser spontanément, sans réflexion nos membres et organes.
Nous pouvons décrire simplement le circuit de la peur.
Au point de départ, les informations venues des sens : bruits, images, impression de chaleur… Au point d’arrivée l’expression de la peur : accélération du cœur, pâleur, fuite…
Entre les deux :
– du côté des sens le thalamus,
– du côté de l’expression de la peur l’amygdale.
Le thalamus est une structure double située dans chaque hémisphère du cerveau. Il sert de relai, entre autres aux informations sensorielles.
L’amygdale est une petite structure double en forme d’amende située dans le lobe temporal de part et d’autre de l’hippocampe. En aval elle est reliée directement aux régions du cerveau assurant l’expression de la peur.
(Emplacement des organes)
Il existe un circuit de la peur court et un circuit long. Dans le premier cas les stimulus passent directement du thalamus à l’amygdale qui déclenche brutalement l’expression de la peur.
Dans le second cas, le circuit de la peur dit long, permet au cortex de s’interposer entre le thalamus et l’amygdale. Le cortex retarde la réaction amygdalienne dans la mesure où il a besoin de temps pour analyser les informations sensorielles. Dans le circuit long une forme de réflexion fine entre en jeu et tempère les réactions.
Dans le circuit long, l’hippocampe peut intervenir pour mettre la mémoire dans la boucle. Il apporte des contenus mémorisés qui nous renseignent sur le contexte (un exemple souvent citer : différencier un bâton d’un serpent). Il peut aussi mettre en mémoire certaines émotions, certaines peurs susceptibles de devenir sources d’anxiété.
Les yips qui ruinent le putting de ceux qui en sont atteint pourraient avoir pour origine une anxiété liée à une peur(1).
Le bruit nous dérange ? Nous sommes simplement humains !
Et voilà pourquoi au golf certains stimulus captés par nos sens nous dérangent : un éternuement, un cri, le déclic d’un appareil photo… Ces sensations pourraient être liées à un danger et empruntent le circuit court de la peur. Dans les cas les plus simples elles détournent notre attention du golf : impossible alors d’exécuter une routine jusqu’au bout.
Dans le pire des cas (un coup de tonnerre violent et inattendu par exemple) elles provoquent un stress avec libération d’adrénaline afin de nous aider à faire face au danger du mieux possible.
D’autres stimulus nous gênent moins comme le bruit d’un avion ou d’une tondeuse. Elles permettent au cortex de se glisser dans la boucle et d’identifier rapidement et inconsciemment l’origine du bruit qui n’a rien d’inquiétant. La réaction est généralement moins violente dans la mesure où elle ne déclenche pas l’instinct de survie.
Si le bruit nous dérange au golf, si le moindre déplacement d’un partenaire nous perturbe, pas de panique, nous sommes bêtement humains ! Notre circuit de la peur s’est mis en route… Rien de plus normal !
Bien sûr, nous n’avons pas tous la même sensibilité à la peur, mais ne pas avoir peur est une pathologie !
(1) La littérature golfique française accorde peu de place aux yips, ces mouvements parasites involontaires qui terrassent jusqu’aux meilleurs au putting.
Voici un article en anglais pour ceux qui s’intéresseraient au problème.