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Vous avez dit « biomécanique » ? Bizarre quand même que ce mot prononcé dans le monde de l’enseignement du golf déclenche quasi instantanément une bataille du type anciens contre modernes !
Débat complètement stérile car de toutes façons la biomécanique est aujourd’hui une science bien établie. Hippocrate (460-377 av. J.-C.) aborde le sujet lorsqu’il soigne les blessures articulaires. Beaucoup plus tard les travaux de Léonard de Vinci (1452-1519) puis de Galilée (1564-1642) sur la mécanique et par extension la biomécanique marquent la naissance d’une science.
Tentons d’y voir plus clair dans la jungle des profils et touchons du doigt les enjeux et les limites de cette approche pédagogique.
Sport et biomécanique
À vrai dire, ces débats peu constructifs ne sont que l’expression d’une résistance au changement. Pour dépasser ces attitudes convenons qu’il est tout aussi stupide de rejeter ce que la biomécanique peut apporter au sport que d’en faire une religion dogmatique.
La prise en compte de la biomécanique permet de déterminer les préférences motrices d’un individu. Pour un golfeur, elle ne dispense pas d’apprendre les fondamentaux du golf. Elle permet simplement de le faire en respectant le corps du joueur.
On peut définir la biomécanique de plusieurs façons. J’en retiens deux qui paraissent suffisamment éclairantes :
• La biomécanique est l’application des lois de la mécanique aux phénomènes vitaux. (CNRTL)
• La biomécanique du sport a pour but d’étudier principalement le mouvement du corps humain et son interaction avec le milieu dans lequel il évolue. (Sciences du sport)
Sans entrer dans des considérations complexes nous pouvons dire que schématiquement le corps humain est composé de segments reliés entre eux par des articulations.
De même il n’est pas très risqué d’affirmer que tous les individus sont différents et ne disposent pas des mêmes capacités physiques.
Celui-là a les bras plus courts ou plus longs que la moyenne de quelques centimètres. Celui-ci accuse un angle de rotation des poignets réduit de quelques degrés par rapport à son voisin…
Ne pas tenir compte de ces différences et obliger quelqu’un à entrer dans un moule standardisé, expose à de graves déboires.
Par exemple :
• Impossibilité de produire un geste mécaniquement et nécessité de mobiliser consciemment des ressources cérébrales pour l’exécuter.
• Risque de blessures physiques plus ou moins graves aux genoux, aux épaules ou à la colonne vertébrale.
Au golf, pour un swing efficace exécuté en toute sécurité pour l’intégrité physique du joueur, il faut permettre au corps de fonctionner naturellement, sans contrainte. Ainsi les bons muscles vont travailler et le centre de gravité va se positionner correctement pour préserver l’équilibre de l’ensemble joueur-club.
Les mouvements seront fluides, puissants et coordonnés sans qu’il soit besoin de faire appel au mode de fonctionnement conscient du cerveau. Nous pouvons rester Mushin !
Et comme nous ne sommes pas tous semblables, il faut savoir ce que nous pouvons demander à notre corps pour swinguer avec efficacité en sécurité.
Il semble donc impossible de vouloir enseigner un geste sportif sans prendre en compte les aptitudes et particularismes de chacun. Ces particularismes portent le nom de préférences motrices.
Les préférences motrices
Je vous propose un exemple emprunté au foot pour découvrir le concept de préférences motrices. Même s’il y est fait allusion à des différences imaginaires entre cerveau droit et cerveau gauche la démonstration est quand même limpide. (durée 5 min 17)
Dans la vidéo ci-dessous Alex d’iGolfPro développe en 5 min 33 la façon dont la biomécanique peut-être prise en compte dans l’enseignement du golf. Si vous avez du temps elle est suivie de nombreuses autres sur le même sujet.
L’identification des préférences motrices d’un individu aboutit à déterminer un profil qui peut porter des noms divers :
• Profil de coordination (iGolf Pro)
• Profil de personnalité (Action Types©)
• Profil de coordination innée (Mon Coach de golf)
La vidéo ci-dessous proposée par Alex d’iGolfPro nous explique en 4 minutes trois des paramètres les plus souvent pris en compte pour établir le profil d’un golfeur
Les tests d’identification
Pour identifier les préférences motrices d’un individu les coaches utilisent une batterie de tests pour déterminer :
• Son style de marche : terrien ou aérien (ancré ou léger)
• Son point mobile : associé ou dissocié (bas ou haut)
• Son style : vertical ou horizontal
• Son œil moteur : droit ou gauche
Cette liste n’est pas exhaustive, certains pros proposent d’autres tests, ou les nomment différemment.
Une fois croisés, les résultats déterminent des types de profils reposant sur les préférences motrices, comme le font le MBTI ou la socionique dans le domaine de la psychologie.
utilisée par Joël Bernard de Mon coach de golf
Tous les praticiens ne procèdent pas exactement de manière identique, même si les tests se ressemblent fortement d’une école à l’autre.
Importer le livret de Joël Bernard sur les profils de coordination.
Ci-dessous Alex d’iGolfPro nous montre en 2 minutes un test pour déterminer si une personne est ancrée ou légère (terrienne ou aérienne diraient d’autres coaches). Notons tout de suite qu’un test ne suffit pas il faut au moins en pratiquer 3 différents qui doivent se confirmer pour avoir une certitude.
Nous l’avons vu, les écoles de foot qui sont en général bien plus engagées dans cette démarche que les écoles de golf ont leurs batteries de tests adaptés à leur sport.
POUR DONNER UN EXEMPLE, VOICI MON PROFIL
[Ancré – Associé – Horizontal – Œil moteur gauche]
Ce qui signifie que :
• je dois prendre une posture plutôt sur les talons ;
• je dois démarrer mon swing en tournant d’abord les hanches ;
• mon swing doit se faire sur un plan (à plat) ;
• je perçois préférentiellement mon environnement de manière globale.
Le pionnier de cette approche est Ralph Hippolyte. Ancien sportif de haut niveau, puis entraineur et Directeur Technique des équipes nationales de volley-ball il a retiré de son expérience la certitude que chaque personne fonctionne différemment et dois être enseignée différemment. Sur cette base il a fondé plusieurs structures dont ActionTypes© qui aujourd’hui fait une percée significative dans le monde de l’enseignement du golf, et plus généralement dans le monde du sport.
Ci-dessous une vidéo empruntée à Golf+, plus précisément à la séquence « l’oeil des pros » diffusée en février 2019 . Le très médiatique coach Dominique Larretche qui utilise la méthode développée par ActionType© nous explique en 26 minutes pourquoi il est convaincu.
Bien sûr il y a débat
Plus exactement il y a des débats ! Mais ils ne se situent pas au niveau d’une « petite guerre » entre anciens et modernes. J’espère avoir montré que la prise en compte de la biomécanique au niveau des individus est incontournable.
Les débats se situent à un tout autre niveau : l’éthique.
Ils se déploient autour de trois axes :
- Peut-on utiliser « inné » pour qualifier les profils ou la coordination ?
- Ces profils sont-ils fixés pour toute une vie ?
- Faut-il croiser profils psychologiques et profils biomécaniques ?
Personne ne répond de manière définitive à ces questions, mais il n’est pas inutile de se les poser.
Les deux premières n’en constituent en fait qu’une seule.
Notons tout d’abord que c’est la coordination qui est innée pas le profil. Une coordination innée est gravée pour toujours. La marche par exemple fait appel à une coordination innée. En « apprenant » à marcher nous avons appris à coordonner plusieurs muscles pour vaincre la gravité et fixer notre équilibre.
Nous sommes devenus des experts en gravité ! Et personne ne nous a expliqué comment faire !
Nous sommes face à l’éternelle discussion qui veut mesurer les apports et les effets de l’inné et de l’acquis en les opposant. Difficile de savoir ce qui est inné et ce qui est acquis dans nos préférences motrices ?
Mais il semble bien qu’elles sont inscrites en nous profondément. L’acquis ne va pas les changer mais il peut les heurter et les empêcher de s’exprimer librement.
Difficile aussi d’affirmer qu’elles sont immuables tout au long d’une vie. Il faut certainement être pragmatique et vérifier de temps en temps ?
Mais d’expérience on peut affirmer que le non-respect des profils de coordination est fortement susceptible d’empêcher un sportif de progresser.
Faut-il croiser profils psychologiques et préférences motrices pour établir des profils de coordination ?
On ne peut répondre à cette question sans examiner notre degré d’adhésion au concept de déterminisme.
Déterminisme et science
Le déterminisme a d’abord une acception scientifique liée au principe de causalité : les même causes produisent les mêmes effets.
Einstein (1879-1955) disait « C’est de la folie de penser qu’en faisant tout le temps la même chose vous pouvez obtenir des résultats différents. »
Affirmation qui ne satisfaisait pas un de ses contemporains, le poète français Paul Valéry (1871-1945) « Quand on dit que les mêmes causes produisent les mêmes effets on ne dit rien. Car les mêmes causes ne se produisent jamais et d’ailleurs on ne peut jamais connaître toutes les causes ».
Ces deux citations ne font que marquer les limites du déterminisme scientifique dont on comprend qu’il peut être à géométrie variable. Nous serions donc plutôt dans un déterminisme statistique !
Ce débat la science le connait, surtout depuis l’avènement de la physique quantique dans le premier tiers du XX° siècle. Le physicien Allemand Max Born (1882-1970) a même semblé abdiquer à un certain moment : « Il est clair que le dualisme onde-corpuscule et l’incertitude essentielle qu’il implique nous obligent à abandonner tout espoir de conserver une théorie déterministe. »
Aujourd’hui il est plus raisonnable de dire que le déterminisme n’est ni linéaire, ni continu, ni réductionniste mais dynamique. Ce qui ouvre considérablement le champ.
Déterminisme et philosophie
Considérons maintenant le concept dans une perspective philosophique. Nous retrouvons alors d’autres limites exprimées par deux philosophes, qui ont vécus à des époques très éloignées.
D’un côté le Hollandais Baruch Spinoza (1632-1677) qui affirme « Les hommes se trompent quand ils se croient libres ; cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés »
De l’autre le Français Jean-Paul Sartre (1905-1980) dit « l’homme qui se croit déterminé se masque sa responsabilité ».
Simplifions ! Il semble bien que l’homme évolue sans cesse entre déterminisme et libre arbitre qui se repoussent, s’attirent et se complètent. Peut-être sommes-nous plus complexes que ne l’imaginent ceux qui veulent nous faire entrer dans des cases trop étroites ?
La décision devient soudain bien grave pour un coup de golf ! Certes mais même pour un coup de golf il n’est pas interdit de prendre un peu de hauteur pour réfléchir puis redescendre ensuite tranquillement… et reprendre contact avec la dure réalité du parcours.
Notre golf est-il déterminé ? Oui ! Le golf n’est qu’un reflet de notre vie : ce n’est pas le golf qui façonne notre vie, mais l’inverse. Donc tout ce que nous sommes se retrouve dans notre golf, comme dans toutes nos activités !
En 1 minute 20 l’exemple de Nicolas Bourada, un coach ActionType© qui relie profils psychologiques MBTI et préférences motrices.
Voici ce que donne le croisement MBTI-Préférences motrices selon les préceptes d’ActionTypes©.
Les types MBTI sont notés avec 4 lettres, par exemple ENFJ.
Certes ce tableau paraît compliqué mais il n’est pas destiné à être utilisé en dehors d’une formation dispensée par un coach compétent.
Vers un enseignement novateur du golf
Si nous déterminons notre golf, il est vraisemblable que nos profils psychologiques et biomécaniques y sont pour quelque chose. Il n’est donc pas aberrant que nombre de pros proposant des approches pédagogiques différentes se retrouvent dans la prise en compte de ces profils.
Toutefois attention, ces profils ne sont que des outils. Ce ne sont pas des faiseurs de miracles. Ils ne sont pas destinés à être enseignés dans un cours de golf : il ne faut pas confondre l’outil et l’œuvre !
Ces profils permettent aux pros de structurer leur enseignement, de donner une orientation consistante à leur cours. Ils sont aujourd’hui à l’origine de méthodes qui incontestablement obtiennent des résultats rapides et solides.
À condition bien sûr que les élèves accomplissent leur part du travail, et gardent leur esprit critique en éveil !