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Plus connu dans le monde des arts martiaux l’état mushin concerne tous les sportifs. C’est dans cet état que notre cerveau prend les commandes et assure notre meilleur niveau.
Lorsque nous observons un chapeau rouge, nous voyons à la fois une forme et une couleur. Or, dans notre cerveau les zones impliquées dans la reconnaissance des formes et des couleurs sont différentes.
Pour que nous reconnaissions une chapeau rouge il faut que s’établisse une collaboration entre les zones de reconnaissance des formes et les zones de reconnaissance des couleurs.
Notre cerveau fait ça tout seul. Il sait synchroniser ses diverses compétences sans que nous lui en donnions l’ordre.
Cet exemple très simple nous permet de toucher du doigt les deux modes de fonctionnement de notre cerveau :
- un mode conscient, nous regardons le chapeau ;
- un mode inconscient l’association forme-couleur.
Au golf nous procédons de la même manière. Généralement sans y prêter attention.
En zone de réflexion
Dans un premier temps, en zone de réflexion nous effectuons une prise d’informations. Puis dans un second temps en zone d’action nous laissons le cerveau regrouper et synchroniser les informations récoltées. En ajoutant les automatismes acquis il calcule le swing qui correspond à la situation du moment.
Comme nous jouons dans l’instant présent, le but n’est pas de jouer sans cesse le swing du practice. Evident !
Simple ? Pas tant que ça. Cette histoire de synchronisation est loin d’être limpide et personne n’a d’explication sur la façon dont opère le cerveau.
©Wikipedia
Tout au plus des chercheurs américains du MIT (Massachusetts Institute of Technology) ont établi que deux zones du cerveau, le cortex préfrontal et le striatum interagissent en synchronisant leurs ondes lors d’un acte d’apprentissage. Selon les connaissances actuelles, le cortex préfontal contrôle les fonctions exécutives du cerveau alors que le striatum est impliqué dans les mouvements volontaires ou automatiques. Les chercheurs ont constaté que lors de phases d’apprentissage les ondes bêta produites indépendamment par le cortex préfrontal et le striatum se synchronisaient pour former de nouveaux circuits de communication entre ces deux structures.
Or les ondes bêta révèlent l’état d’un sujet attentif, yeux ouverts. Elles correspondent aux moments où nous regardons, écoutons, analysons des situations, et traitons les informations que nous recueillons du monde qui nous entoure. Typiquement ce que nous exécutons en zone de réflexion.
En zone de réflexion notre cerveau doit donc émettre un maximum d’ondes bêta !
Et en zone d’action ?
En 2007 des neuroscientifiques de l’Université de Rome ont équipé des golfeurs de haut niveau de casques permettant d’enregistrer un électro-encéphalogramme tout au long d’un parcours. Ils ont pu mesurer que le cerveau de ces sportifs émettait une grande quantité d’ondes gamma dans les moments les plus intenses du jeu nécessitant la plus grande concentration.
Donc quand il faut agir, jouer au golf, notre cerveau passe majoritairement en ondes gamma. Or les ondes gamma permettent au cerveau de traiter l’information venue de ses différentes aires. Elles favorisent la circulation de l’information entre ces secteurs pour un traitement simultané.
De plus ces ondes sont aussi associées à une bonne mémoire. En d’autres termes les ondes gamma marquent le signe que le cerveau est sous pilote automatique. Elles synchronisent la totalité du cerveau et lui permettent de « montrer ce qu’il sait faire », sans que nous ayons besoin de passer de multiples commandes de manière consciente.
Dans les arts martiaux cet état est nommé « mushin no shin » soit littéralement « l’esprit sans pensée ». Dans cet état, l’esprit est non fixe ou occupé par la pensée ou l’émotion. Mais le cerveau n’est pas pour autant déconnecté : « Un esprit Mushin n’est pas un esprit vide comme une coquille, au contraire il est un esprit pleinement présent, conscient et libre » (extrait du site boudhisme-zen.com).
Voici comment Takuan Sõhõ une figure du bouddhisme zen qui vécu de 1573 à 1645 décrivait cet état :
« L’esprit devrait toujours être dans un état de fluidité, car lorsqu’il s’arrête sur quelque chose le flux est interrompu et c’est l’interruption qui est préjudiciable au bien-être de l’esprit. Dans le cas d’un sabreur, cela signifie la mort. Quand le sabreur se tient devant son adversaire, il ne pense pas à son ennemi, ni à lui-même, ni aux mouvements du sabre de son adversaire. Il se tient juste là avec son sabre, qui oubliant toute technique, est prêt à suivre uniquement ce que lui dicte le subconscient. L’homme s’est effacé en maniant le sabre. Quand il frappe, ce n’est pas l’homme mais le sabre dans les mains du subconscient de la personne, qui frappe. » (extrait du site Bushidô)
Pour paraphraser Takuan Sõhõ, au golf au moment de l’action, ce n’est plus le joueur qui devrait tenir le club mais le subconscient du joueur !
On l’aura compris il n’est pas aisé de saisir la complexité de ce que peut être l’état mushin.
Au golf on emploie fréquemment l’expression « jouer dans la zone » mais ce n’est pas beaucoup plus facile à cerner. Certains psychologues parlent de « pleine conscience », une notion empruntée au monde bouddhiste. En occident la pleine conscience est utilisée par un courant de la psychologie pour ramener l’attention sur l’instant présent. C’est un outil thérapeutique pour réduire le stress et prévenir la dépression.
Je vous ai plusieurs fois parlé de la méditation en pleine conscience et de la marche en pleine conscience. Pour ce qui nous intéresse, disons que si mushin est un état, la pleine conscience est un outil pour y parvenir.
Et le golf dans tout ça ?
Si nous sommes convaincus que notre meilleur golf n’apparaît que lorsque nous sommes capables de donner le contrôle du jeu à notre cerveau en mode automatique donc en mode inconscient, mushin correspond parfaitement à l’état que nous voulons atteindre.
Il faut toutefois admettre que l’état mushin que nous recherchons pour le golf est fort loin de celui du bouddhisme zen. Pour nous il s’agit simplement de déconnecter notre machine à penser et de laisser notre cerveau travailler tranquillement. Ce n’est déjà pas si mal.
Mais avons-nous le temps d’ajouter cette démarche mentale à notre routine?
Est-ce bien utile ? J’entends déjà : « Personnellement je connais Nénesse qui tape des skuds à l’horizon, mais ça m’étonnerait qu’il connaisse le mot mushin et encore moins l’état mushin ! »
Alors :
- Oui nous avons le temps d’inclure cette phase dans notre routine !
- À condition d’avoir préalablement un peu travaillé…
- Mais oui Nénesse peut très bien se mettre dans un état mushin sans le savoir. D’ailleurs, l’idéal serait de tous ressembler à Nénesse…
La routine ou le moment de vérité
J’ai la conviction que quasiment 100 % des coups ratés au golf ont pour origine une mauvaise préparation, donc une mauvaise routine ou l’absence de routine.
Pour rappel la routine se déroule en deux phases :
- En zone de réflexion (1 à 2 m derrière la balle regard dans le sens du jeu) Nous recueillons un maximum d’informations : le lie, le vent, la cible, le focus, la distance… Notre cerveau émet des ondes bêta : sujet attentif, yeux ouverts. Il fonctionne en mode conscient.
- En zone d’action (face à la balle, regard perpendiculaire à la ligne de jeu) Notre cerveau en mode inconscient coordonne les informations prises précédemment et les relie avec les apprentissages acquis pour construire le swing qui convient à la situation. Notre cerveau émet des ondes gamma. Nous sommes en état mushin. Le subconscient tient le club et va agir ! Comme il agit dans les arts martiaux pour garder le sabreur en vie.
Passer à l’état mushin
En fait tout se joue dans le passage de la zone de réflexion à la zone d’action. En fin de réflexion nous effectuons une visualisation, nous quittons le domaine de la prise d’information pour entrer dans celui des images mentales. Le cerveau est prêt à switcher du mode conscient au mode inconscient. Ne pas s’inquiéter, ce bougre fait ça tout seul et en général très bien.
Par contre il faut le maintenir dans cet état, ne pas lui permettre de s’échapper pour se livrer à son exercice favori : penser.
Tout tient dans la transition entre zone de réflexion et zone d’action. Nos pros enseignants ont des techniques pour nous éviter de retomber dans les pensées parasites.
Laurent Jockschies conseille un « truc » rigolo pour le putting : caler la pointe de la langue sur le haut du palais vers l’arrière ! Essayez, les pensées parasites disparaissent instantanément ! L’état mushin n’est certainement pas atteint, mais notre esprit ne divague plus !
Stéphane Bachoz dans sa méthode Triangulaid préconise une marche en 6 temps qui en fait écarte les pensées et nous conduit vers l’action, le swing. Cette marche fonctionne très bien puisqu’elle permet à des débutants de progresser tout de suite.
Alex d’iGolfPro propose une formation en profondeur disponible dans le pack « Mental Expert ». Le but est de permettre à chaque golfeur de personnaliser sa routine en prenant en compte ses particularités et son profil biomécanique.
Le pack inclus un outil de mesure et d’évaluation, le FocusBand qui est utilisé par quelques professionnels comme Jason Day et Justin Rose.
Le but est clairement de plonger le joueur dans le présent en déconnectant sa pensée de tout ce qui est superflu. Une grande place est faite à la manière de respirer et de bloquer sa respiration au moment du swing.
La méthode propose de faire aller alternativement la vision et l’attention de la balle à un point dit de focalisation. Au putting le point de focalisation est le trou réel ou le trou virtuel ; au petit jeu c’est le point où la balle doit tomber pour rouler vers le trou ; au grand jeu, un point choisi sur la ligne de jeu en direction de la cible. Il faut alors s’entrainer à faire aller indépendamment l’attention et la vision de la balle au point de focalisation et l’inverse. Et de jouer alors que l’attention et la vision sont réunis sur la balle.
De cette apparente dissociation née une grande unité du swing. Le cerveau ne pense plus, il joue en mode automatique.
Difficile d’expliquer ce concept plus simplement alors qu’il s’inscrit dans un ensemble très dense et très complet qui propose de nous faire jouer mushin en toutes circonstances.
La formation « Mental Expert » proposée par Alex est orientée vers l’apprentissage de la routine qui va conduire vers cette grande unité.
Aucune magie, juste de la méthode et un peu de travail. Impossible d’acquérir cette technique sans y consacrer de l’attention et du temps.